Veille sur les espèces non-indigènes

Depuis l'ouverture du canal de Suez en 1869, une invasion continue d'espèces non-indigènes en provenance de la mer Rouge et de l’océan Indien se produit dans la mer Méditerranée. Ce lien artificiel établi par l’Homme a éliminé la barrière géographique naturelle qui séparait la faune et la flore indo-pacifique de la Méditerranée. Cela a entraîné l’introduction d'organismes marins dans la Méditerranée qui est connue sous le nom de migration lessepsienne, phénomène accéléré par le réchauffement progressif de la Méditerranée et l’élargissement récent du canal. Aujourd'hui, la distribution et les impacts des espèces lessepsiennes est une problématique majeure en matière de conservation. L’absence de prédateur pour ces espèces dans leur nouvel environnement augmente fortement leur succès d’établissement et certaines d’entre elles deviennent nuisibles à la biodiversité autochtone. Ces espèces sont alors nommées espèces invasives.

Concernant les poissons, à partir de 2010 des observations de poisson-flûte (Fistularia commersonii), originaire de l’Indo-pacifique, ont été faites le long du littoral monégasque : en octobre 2010, 3 individus de 95 cm ont été capturés au filet à Cap d’Ail par un pêcheur par 23 m de profondeur; en 2015, un individu de 110 cm a été vu en surface dans le port Hercule de Monaco ; en novembre 2016, 2 individus de 90 cm environ ont été observés dans l'AMP du tombant des Spélugues ; en décembre 2016, 1 individu de 90 cm a été observé à l’Ouest de l'AMP du Larvotto sur des éboulis. D’un point de vue écologique, le poisson-flûte est considéré comme un prédateur de haut niveau trophique qui s’est très bien adapté à l’environnement Méditerranéen. L’arrivée du poisson-flûte peut avoir un effet important sur la structure et la dynamique des populations des communautés autochtones, mais il semble prématuré de prédire l’impact potentiel sur les écosystèmes ou les pêcheries en Méditerranée.

Des poissons non indigènes de Méditerranée, de la gauche vers la droite : le ballon à bande argentée, le poisson-lapin et le poisson-flûte.

D’autres espèces de poissons provenant de mer Rouge sont actuellement en cours d’expansion vers le bassin occidental de la Méditerranée. Il s’agit notamment des poissons-lapins (Siganus luridus & Siganus rivulatus) dont le broutage crée des déserts sous-marins, affectant les communautés algales littorales et par conséquent les peuplements de poissons côtiers. Le Ballon à bande argentée (Lagocephalus sceleratus), prédateur de haut niveau trophique, est également en expansion et devrait, tout comme le poisson-lapin, arriver d’ici quelques années sur les côtes française et monégasque. Le poisson-lion (Pterois miles) est  également en expansion vers le bassin occidental. Cette même espèce a eu des impacts négatifs importants dans la mer des Caraïbes en affectant les stocks de poissons et représente ainsi une menace potentielle pour les peuplements de poissons du littoral monégasque et de toute la Méditerranée nord-occidentale.

Les fiches de signalement d'espèces non-indigènes. Pour agrandir les fiches sélectionner l'espèce dans la liste suivante : poisson-flûte, poissons-lapins, ballon à bande argentée, poisson-lion.

Le réchauffement progressif de la Méditerranée et l’accélération du nombre d’espèces provenant de l’Indo-pacifique constituent une menace certaine pour les écosystèmes méditerranéens. La mise en place d'une veille permanente par la communauté scientifique mais également dans le cadre des sciences participatives par le biais de formations préalables des plongeurs permet de signaler l’arrivée ou l’établissement d’espèces non-indigènes.


Pour en découvrir un peu plus...
- 2016 : Pr. Patrice FRANCOUR, Méditerranée : une mer en pleine mutation biogéographique -
- 2016 : Reportage Monaco Info, Conférence sur les espèces non-indigènes-