Immersion et suivis des récifs artificiels

L’idée de créer des substrats artificiels immergés afin d’augmenter la productivité d’une zone donnée est apparue au Japon au XVIIème siècle dans le but d’améliorer la pêche côtière. Par la suite, les japonais sont restés maîtres dans ce domaine et, dès les années 1930, les récifs artificiels ont été déclarés d’utilité publique. Leur utilisation dans les autres pays ne s’est développée que plus tard.

A Monaco, l’immersion de récifs artificiels a constitué une des actions les plus emblématiques de l’AMPN, positionnant la Principauté comme un des pionniers dans ce domaine.

Ainsi, dès la création de l’Aire Marine Protégée du Larvotto en 1976, des réflexions ont été engagées afin d’immerger des habitats artificiels pour augmenter la biodiversité. 

En juin 1977, les premiers récifs, constitués de 300 tonnes d’enrochements naturels, ont été mis en place par chalands sur 3 sites à 25 mètres de profondeur. La dispersion qui en est résultée n’a pas permis d’obtenir les résultats souhaités. C’est la raison pour laquelle la décision a été prise de construire des récifs à terre avec des hourdis alvéolaires en béton cimentés entre eux et fixés sur des dalles en béton armé. C’est ainsi qu’entre juin 1979 et septembre 1983, 26 récifs alvéolaires, de 3 types différents, ont été immergés à des profondeurs variant entre 8 et 32 mètres.

Trois récifs en hourdis de type "grands alvéolaires" immergés en 1983.

Par la suite, d’autres structures de formes différentes ont été testées. En décembre 1986, un récif pyramidal formé de 38 caissons alvéolaires en béton armé a été assemblé à 16 mètres de profondeur sur du sable. Les caissons ont été empilés les uns sur les autres en ménageant des espaces entre eux de manière à offrir des labyrinthes à la faune vagile. Des récifs dits “Thalamé”, au nombre de 3 et en forme de carapace de tortue avec 3 entrées au ras du sol pour créer des abris pour les poissons littoraux, ont été immergés en août 1989.

Une expérience de coralliculture a également été tentée en 1989 avec l’immersion de grottes à corail en béton, initialement réparties entre l’Aire Marine Protégée des Spélugues et celle du Larvotto, puis regroupées ensuite sur un site unique au Larvotto par une trentaine de mètres de profondeur. Des fragments de colonies de corail rouge, prélevés en milieu naturel, ont été collés sur des supports à l’intérieur des grottes. Cette méthode s’est montrée particulièrement efficace en ce qui concerne la survie des colonies transplantées, leur capacité à se reproduire et leur taux de croissance. Cette expérimentation n’a pas été poursuivie sur du long terme mais les 4 grottes à corail jouent toutefois le rôle de récifs artificiels classiques pour de nombreuses espèces.


Une des grottes à corail immergées en 1989.

Hormis pour les grottes à corail, les récifs ont tous été à vocation halieutique, l'objectif étant de favoriser l’accroissement et la conservation de la biodiversité marine en diversifiant les habitats de l’Aire Marine Protégée. Ces projets expérimentaux ont permis d’étudier et de suivre l’évolution biologique et écologique des différents types de récifs et de constater parfois le retour de certaines espèces de poissons.

A partir des années 2000, l’AMPN a immergé d’autres récifs artificiels, toujours constitués de hourdis alvéolaires, dans une optique de sensibilisation en permettant aux enfants et aux adultes de participer à leur construction et de toucher du doigt l’intérêt de ce type de mesures.

En 2017, une nouvelle génération de récifs a été immergée dans l’AMP du Larvotto. Les dernières avancées technologiques en matière d’impression 3D ont ouvert de nouvelles perspectives en permettant de définir un design reflétant au mieux la complexité du milieu naturel. Les imprimantes 3D ne connaissant pas de limites à la complexité architecturale des objets à créer, le Pr. Patrice Francour a imaginé un modèle numérique unique en 3 dimensions de récif artificiel. Ce projet s’est concrétisé par l’immersion en novembre 2017 de 6 récifs 3D de 2,5 tonnes chacun constitués de sable de Dolomite et de cendre volcanique, un produit naturel éco-responsable. 

Ces différentes générations de récifs ont fait l’objet de suivis environnementaux hétérogènes et indépendants les uns des autres. D’un point de vue technique, ces suivis ont été menés via des protocoles différents et les données acquises ne sont parfois pas comparables.

Afin d’homogénéiser ces suivis, de caractériser l’état de conservation structurel de chaque récif et d’évaluer leur efficacité, une recherche bibliographique et un état des lieux ont été effectués entre 2021 et 2022.

Avec l’aide de Thalassa Marine research et de M. Stéphane JAMME (Aquanaute Expertise), l’AMPN a par la suite initié un état des lieux plus précis pour caractériser la colonisation benthique (les organismes vivant fixés au substrat) et ichtyologique (les peuplements de poissons) de ces récifs.

Les données recueillies montrent déjà que les récifs artificiels répondent bien aux objectifs pour lesquels ils ont été immergés et qu’ils assurent leur rôle de substrat et d’habitat pour les espèces marines. Des études complémentaires permettront de proposer des solutions d’aménagement pour les récifs les plus anciens afin d’optimiser leur efficacité.

Le Dr. Alexis PEY et Stéphane JAMME en train d'effectuer les mesures de colonisation benthique.